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Je reviens de voyage. Une boucle américaine de Seattle à Salt Lake City, en passant par Portland, Yellowstone et autres sites incontournables sur cette route. Tout s’est bien passé mais à Seattle j’ai pêché. Je viens ici me confesser, le dos vouté sous la culpabilité, les yeux humides d’une honte qui colle à la peau.
Tout a commencé lorsque je suis entré au double musée de la science fiction et de la musique. J’ai commencé à déambuler tranquillement au milieu des souvenirs des années 50, des instruments Hi-Tech de Star Trek, de vieux fanzines et de costumes bizarres avant d’entrer dans le temple de la musique. Des tas de reliques m’attendaient, une fois passée la tour de guitares, entre les salles destinées à ceux voulant s’essayer à un instrument ou au chant.
J’aime les vieux objets, en même temps que je trouve un coté pathétique à ce fétichisme. On est là des années après à octroyer à des bibelots une force que ceux qui les ont fait vivre trouveraient ridicule s’ils nous surprenaient durant ce viol. Il y a une réelle détresse à se délecter de l’odeur de vieux papier, des couleurs passées et de l’aspect démodé comme si le présent n’avais jamais pu nous donner autant de plaisir.
Alors forcément devant l’entrée de la pièce dédiée à Jimi Hendrix, j’observais la plèbe qui faisait un tour, une curiosité malsaine accrochée au visage. Elle prenait des photos en souriant et je trouvais ça stupide. Je m’apprêtais à demander pardon à Jimi en leur nom pour souiller ainsi des objets qu’il n’avait jamais destinés à cette mascarade.
Puis je suis entré…
Lentement, sa courte vie de 27 années m’a explosée au visage. Mes yeux se sont posés sur tout ce qui remplissait ce sanctuaire, m’incrustant entre les gens, ces autres, pour mieux voir. Puis tout le monde a disparu. Je suis parti. J’ai senti la puissance de cette vie, la force de sa concentration, les ondes qu’elle provoque encore dans le monde de la musique 40 ans après sa mort. Je flottais en lisant ces écrits, ces notes, ces inscriptions sur ces guitares fracassées…
Je suis ressorti difficilement. Il m’a fallu quelques minutes pour revenir à moi mais Kurt a alors décidé de m’achever. Des écrits encore, puis ses livres à la sortie pour prolonger l’expérience.
Ces deux gauchers qui ont en commun d’avoir beaucoup écrit, n’ont jamais voulu cela. S’ils entraient dans ce musée aujourd’hui, ils y mettraient le feu. Ils briseraient les vitrines pour libérer ces auras enfermées depuis trop longtemps. Kurt se moquerait des tasses à l’effigie de Jimi en lui faisant remarquer qu’aucun objet ne portait ni son nom ni son visage. Jimi, lui, irait fracasser la vitrine de la guitare de Kurt qui trône dans une salle de projection pour lui redonner vie en réinventant « Smells like Teen Spirit ». Le musée serait vidé avec fracas et il se retrouveraient ensuite, assis sur les cendres de cette pitrerie.
Alors pardonnez-moi messieurs. Pardonnez-moi d’avoir éprouvé ce plaisir malsain. Pardonnez-moi d’avoir profané vos morts.
Pour ma défense, mon parcours fut différent de tous ceux que j’ai vu parcourir ces salles. Je n’ai vu personne s’arrêter. Je veux dire s’arrêter vraiment. Je me suis immobilisé. J’ai senti la force de ce que vous aviez fait vivre. Vos instruments m’ont parlé. Une fois le vide fait, je me suis laissé imprégné…
Mais peut-être est-ce pire encore ?