Bon maintenant vous connaissez le principe : une photo, plein de gens qui écrivent un texte dessus. Ça s’appelle le blog à 1.000 mains et le quatrième volet débute avec la photo ci-dessous. Ma participation marque mon départ en vacances. Je serai de retour fin Mai, mais c’est pas dit que j’ai envie de vous voir tout de suite. Alors en Mai, pendant mon absence, faites ce qu’il vous plait !!

T’es une grosse conne et je vais même pas te le dire, je vais même rester zen et sourire.

Je reprends une gorgée de thé histoire de rincer ma gorge des vilains mots que j’étais sur le point de balancer.

« Tu vois, ce que j’adore avec l’écriture, c’est ce moment précis. Et quand je dis moment, c’est bien plus qu’un moment. Ca peut être des heures. De la contemplation, peut-être ce qu’on appelle un état second. »

Je déteste quand on case des « qu’on appelle », ça me met hors de moi. Et gnagna ce mystère qu’on appelle la vie, et blabla ce sentiment qu’on appelle l’amour…

Je hoche la tête, comme accroché par les mots qu’elle vient de prononcer. Confortée dans son délire elle reprend.

« C’est le meilleur moment. La page blanche ! Ce vide qui aspire ton cerveau dans les méandres de la création. Mais tu vois sûrement de quoi je parle, tu écris toi aussi. »

Hochement de tête, je suis calme mais je me tais, c’est encore nouveau pour moi. Beaucoup plus de choses sortiraient de ma bouche que cette petite phrase sympathique que je prépare depuis tout à l’heure.

« Depuis que j’ai découvert que j’avais ce don, je savoure cet instant privilégié, celui où mon cerveau va poser les premières pierres de ce qui sera au final une histoire dont je serai fière. Et tout ceci prend du temps. C’est souvent ici que je passe ces périodes de quasi transe. »

Son bras droit balaye l’espace autour d’elle, sur cette terrasse, incluant cette table et ces chaises d’où mon cul crie sa douleur depuis maintenant… quoi… 7 minutes seulement ? Putain, que mes premiers pas dans la sociale-diplomatie sont douloureux !!

Je hais mes potes. C’est pour ça que j’en ai plus beaucoup peut-être. Ils n’arrêtent pas de me dire que je suis un asocial aigri qui n’a jamais un mot gentil pour personne, qui ne s’intéresse à rien de ce qui ne le concerne pas et qui est de plus incapable de retenir le moindre prénom des personnes avec qui il parle.

« C’est pour ça que je laisse toujours une feuille blanche ici, avec ce stylo plume que j’adore. J’écris toujours le plus gros de mes idées au stylo plume. »

Pour prouver que je n’étais pas ce qu’ils décrivaient, j’avais pour mission de discuter au moins dix minutes avec quelqu’un à ce salon du livre et de leur raconter ensuite ce que j’avais retenu de la personne qui devait être un ou une inconnue.

Mon choix fut rapide, il fallait que je voie cette fille qui avait écrit ce livre qui m’avait scotché le mois dernier. Une fois devant son stand, je lui ai balancé quelques compliments en lui disant que j’avais vraiment eu un coup de cœur pour ce bouquin. Il y avait du monde et peu de temps pour moi alors elle m’a invité à prendre un verre chez elle un jour, le genre de truc qui arrive quand tu t’y attends pas. Visiblement, je lui plaisais.

« En hiver, je conserve la même recette, mais au chaud. Pour garder l’ambiance, je rentre même la table et les chaises de jardin à l’intérieur. »

Je suis reparti avec l’adresse et la certitude de gagner mon pari, voire de la baiser, ce qui me donnait une motivation de plus pour faire un effort de concentration. Mais tous mes efforts sont vrillés par cette perceuse de cerveau qui s’écoute parler depuis le début. Finalement, je me dis que je ne suis pas le seul à ne m’intéresser qu’à moi.

Voilà au moins 17 jours que je suis là, assis, à l’écouter parler d’elle et de sa feuille blanche.

Elle m’explique en gros qu’elle passe des heures à jouir virtuellement d’une prose qui sortira dans la douleur alors que je peine à trouver du temps pour écrire les milliards d’idées qui me traversent la tête chaque jour.

Je la fixe dans les yeux en me redemandant encore une fois comment une telle truffe a pu enfanter un tel chef-d’œuvre. Bordel d’injustice.

« Mais peut-être je t’embête, je parle peut-être trop… »

Vu le ton, ce n’était pas une question, mais franchement, il me tardait de lui remplir sa feuille blanche de merde. Je prends son stylo plume pourri et gribouille rapidement quelques mots sur sa feuille avant de me lever et de quitter cet enfer.

*Oui, tu m’emmerdes, j’ai mal au cul sur ta chaise qu’on appelle chaise en fer de merde, je me casse !

PS : On n’écrit pas à l’encre bleue c’est moche, et le thé citron c’est pour les grand-mères*

Une chose est sûre, ne cherchez jamais à savoir qui se cache derrière un livre, une chanson ou une voix au téléphone qui vous a fait vibrer, vous ne feriez que tuer le mythe.

Ha oui ! Autre chose ! Je repousse mon entrée dans une éventuelle vie sociale, et j’emmerde mes potes !